Vie et mort des pierres

 Comment sauver ses pierres ?

Voilà la question qui préoccupe tous les joueurs de Go. Résumons ce que nous avons vu jusque là. Une partie de Go débute avec un plateau vide (plateau que je vais appeler goban [go-banne] (« plateau de Go » en japonais) pour faire comme tout le monde). Les joueurs, nommés Noir et Blanc, posent une pierre chacun leur tour. Progressivement, les pierres dessinent des frontières, autrement dit, les limites des territoires de Noir et de Blanc. Lorsque les joueurs estiment avoir étendu leurs frontières au maximum, ils passent, la partie s’arrête, on compte les points.

Entre temps, on a vu que les pierres posées pouvaient être capturées. On peut comprendre l’avantage de capturer une pierre adverse. Les pierres sont comme des briques avec lesquelles on construit les murs de nos frontières. Capturer une ou plusieurs briques adverses, permet donc de prendre un certain avantage. Car moins de pierres veut dire des frontières plus courtes. Alors encore faut-il voir lequel des deux joueurs utilisera ses pierres le plus efficacement, mais c’est une autre histoire… Perdre des pierres, c’est un peu comme si on avait joué pour rien, comme si on avait passé son tour, ça aide l’adversaire. Le Go serait beaucoup plus simple si l’on pouvait jouer plusieurs fois de suite.

Prenons un exemple :

Imaginons que la stratégie de Noir nécessite de capturer la pierre blanche en D4. D’après ce que nous venons de voir, rien de plus simple, il suffit de jouer sur le triangle pour supprimer la dernière liberté de D4. Sauf que, Noir vient de jouer, c’est donc le tour de Blanc, Noir pourra-t-il quand même capturer la pierre D4 ?

À l’inverse, Blanc peut vouloir sauver sa pierre, la situation lui semble défavorable, mais c’est à lui de jouer, que faire ?

« Le point vital de mon adversaire est mon point vital »

C’est un proverbe chinois qui nous dit que le meilleur coup à jouer est souvent le même pour les deux joueurs. Ici, le coup qui permettrait à Noir de capturer est le même qui permet à Blanc de se sauver. Mais la pierre blanche est-elle vraiment sauvée ? Noir n’a pas pu jouer 2 fois de suite, mais Blanc ne le peut pas non plus, est-il sauf  ?

Et bien imaginons une suite possible dans laquelle Noir s’acharnerait à essayer de capturer les pierres blanches :

Voici 12 coups qui pourraient être joués à partir de la situation précédente. Maintenant un peu de mathématique : combien de libertés le groupe de pierres blanches possède t-il ?

Si vous avez bien compris les bases, vous devez compter 9 libertés. Si l’on fait la comparaison avec la position initiale : lorsque Blanc n’avait qu’une seule pierre, elle n’avait qu’une seule liberté. Maintenant, le groupe de 8 pierres blanches en a 9, c’est donc un gain important pour Blanc. Sa pierres D4 est devenue plus forte qu’elle ne l’était au départ, et va être beaucoup plus difficile à capturer.

À NOTER : je ne vais pas rentrer dans les détails maintenant, mais à la question « à qui profite cette séquence » la réponse est « ça dépend ». Si l’objectif de Noir était effectivement de capturer la pierre blanche, alors il a échoué, et résultat est donc bon pour Blanc. Mais la même séquence peut parfaitement être vue comme un bénéfice à Noir. Tout dépend de la stratégie et du contexte, notions que nous aborderons plus tard.

Pour en revenir à notre problème de vie et de mort, on peut retenir une chose : si vous voulez faire vivre une pierre, sauvez-vous vers un grand espace vide. Vos pierres deviendront de plus en plus fortes.

Car lorsque l’on est face à un bord :

Ici la forme des pierres au départ est strictement la même que précédemment. Mais les pierres sont situées dans une autre partie une goban, Blanc peut-il espérer se sauver ?

La réponse est non :

Ça ne marchera pas, Noir en 4 capturera toutes les pierres blanches.

La pierre était trop près du bord. C’est un problème d’espace et de direction. Dans les 2 cas, les pierres blanches n’avaient qu’une direction pour se sauver : vers la droite. Lorsque la direction offre suffisamment d’espace, vos pierres peuvent être sauvées. Sinon, elles seront capturées.

Mais il peut également s’agir d’un sacrifice, imaginons :

Dans ce début de partie, Noir a capturé une pierre blanche jouée en R16, qui aurait peut-être pu être sauvée, la situation est-elle pour autant à son avantage ?

Nous essaierons d’apporter une réponse à cette question plus tard. Pour l’instant il faut comprendre qu’en se dirigeant vers les espaces vides, on augmente l’espérance de vie de ses pierres, car en augmentant leurs libertés, les groupes deviennent plus difficiles à capturer.

Pour l’instant vous pouvez déjà comprendre pourquoi certaines pierres deviennent des pierres mortes, si l’on regarde de nouveau la partie que l’on a vu dans les bases :

On peut y voire 4 pierres mortes marquées d’une croix. La raison pour laquelle ces pierres ont été abandonnées, est que les joueurs ont estimé qu’elles ne disposaient pas assez d’espace vide où se sauver pour pouvoir vivre.

Comment savoir quel espace est suffisant pour sauver ses pierres, ou capturer celles de l’adversaire ? Et bien ça dépend du joueur, de son niveau, de son expérience, on parvient parfois à se sauver de situations qui semblaient désespérées, et parfois on se fait avoir dans des situations théoriquement acquises. Il faut expérimenter pour apprendre.

Mais il est évidemment possible de rendre ses pierres vivantes une bonne fois pour toutes.  C’est la prochaine étape.

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