Cette semaine les licenciés FFG ont reçu un mail de la RFG.
FFG : Fédération Française de Go
RFG : Revue Française de GO.
La RFG nous rappelait qu’en plus de l’édition de l’éponyme Revue Française de Go, elle avait son propre blog sur lequel elle parle du Go sa vie son œuvre.
Jusque là, rien d’extraordinaire, mais pourquoi pas, j’avais complètement zappé l’existence de ce blog, je décide donc d’y faire un tour. Et c’est en voyant leur dernier article, rédigé par l’incontournable Motoki Noguchi, que j’ai compris que la diffusion de cette publicité ne devait rien au hasard. Car cet article ne nous annonce pas moins que imminence de l’effondrement du jeu de Go ! Révolution ou effet de mode, l’avenir nous le dira, mais cet événement ne peut être laissé de coté, et nous incite à la prudence, l’avènement du « fuseki du trou noir ».
Il sera difficile appréhender le concept pour un non initié. Il faut savoir que le Go a au moins 2500 ans d’histoire. Et qu’au cour de cette période, le jeu lui même a très peu changé. Il fût un temps où existait des goban de taille 17×17, mais le format 19×19 a fini par l’emporter. À une époque encore plus lointaine on posait 4 pierres sur les points 4-4 (hoshi de coin) avant de commencer la partie, maintenant on fait ce qu’on veut.
La seule véritable évolution importante et moderne fût l’invention du komi qui a accompagné la professionnalisation du jeu :
Au Go celui qui commence a un avantage, c’est un peu comme avoir le service au tennis, raison pour laquelle c’est le plus faible qui débute (on lui laisse l’initiative). En pratique le phénomène est connu depuis longtemps et à l’origine, pour départager 2 joueurs ‘à égalité’, il fallait plusieurs parties où les joueurs jouaient noir à tour de rôle. Et comme c’était le Moyen-Âge, on avait que ça à faire. Ce qu’a apporté la professionnalisation du jeu c’est une estimation précise de cet avantage. Ainsi est apparu le komi, des points attribués d’office à Blanc pour compenser l’avantage de Noir. Pour l’histoire, le komi est actuellement de 6,5 points (règle japonaise). Grâce à lui, sur 100 parties jouées par des professionnels japonais, il y en aura statistiquement 50 qui seront remportées par le joueur Noirs et 50 par le joueur Blanc.
Et si tout ceci représente une évolution notable des règles du jeu, c’est dans le conclave du monde professionnel que ces débats passionnent. Un peu comme si la fédération internationale de tennis décidait de relever la hauteur des filets de 1 ou 2 cm. Rien de transcendant pour qui n’est pas dans le classement ATP.
Mais par ailleurs, l’histoire millénaire du jeu de Go porte un héritage bien plus consistant, qui n’a rien à voir avec les règles à proprement parlé, et que l’on trouve dans l’étude du jeu. Par exemple, cela faisait plusieurs milliers d’années que le joueur de Go ayant un minimum de niveau (et un taux d’alcoolémie dans les normes de la modération), n’a que 2 façons conventionnelles de commencer la partie. Et peut être 2 ou 3 variations exotiques pour s’amuser hors compétition. En tout, 4-5 ouvertures sur 361 coups possibles, ça fait peu, mais c’est qu’il en a fallut des parties pour arriver à ce noyaux de certitude. Et c’est justement ce noyaux qui est remis en question par le fuseki du trou noir :
Elles n’ont l’air de rien ces pierres noires sur la cinquième ligne, sauf qu’elles n’ont rien à faire là ! Ainsi on considère qu’elles devraient se trouver dans les coins, un peu comme les pierres blanches sur la 4ème ligne, ou alors sur la troisième ligne, mais nécessairement dans les coins.
Là sur la cinquième ligne au milieu de nulle part, Guo Juan 5p (5ème dan professionnel) serait tentée de dire que ça flotting in thi air, façon polie d’expliquer de ces coups sont nuls, car éloignés de tout, n’apportent rien à Noir, et ne menacent rien chez Blanc. Les coups du débutant qui regarde le goban avec la circonspection d’une présentatrice météo de canal+ à qui l’on aurait refilé une armoire ikéa à monter et qui commencerait par couper une planche en 2.
Sauf qu’on ne parle pas ici de joueurs débutants, mais d’amateurs de niveau professionnels et même de professionnels 8p, 9p. Autrement dit du solide, et si tout ce que j’avais appris sur le Go était faux ?!
Bon en vérité ça ne serait pas la première fois que ça m’arrive, en fait c’est même courant, ça vous tombe dessus plus ou moins radicalement à chaque fois que vous progressez, c’est la définition même de la progression. Rien que du très naturel donc, et si 2000 ans de Go venaient réellement à mourir ça ne serait que pour mieux renaître !
Le fuseki du trou noir. Motoki Noguchi, blog de la RFG